8.8.08

De la pudeur

Je rencontre un spécialiste de l’image.

Je lui parle du projet. Ses yeux s’écarquillent. Je souris. Tout son corps a l’air de dire que oui, en effet, il y a quelque chose à aller voir par là.

Je n’ai rien à lui proposer. Je ne vois pas comment quelqu’un pourrait venir sur le plateau pour faire le cadre, perturber notre intimité. Ce serait un autre projet, un autre film. Et puis, c’est important que ce soit moi qui dirige la photo, que l’image transpire ma sensibilité, quelle qu’elle soit. Je crois. Que même sur ça je ne me défile pas.

Mais on discute.

On parle de films. On a les mêmes choses en tête. Telle scène, tel angle, telle direction d’acteurs, tel parti pris dans tel film…

Et puis la discussion glisse sur la distance de la caméra sur le film. Comment filmer quelque chose d’aussi délicat ? Quel point de vue adopter ?

Je lui dis que j’ai regardé des films pornos ces derniers temps. Que ce qui me dérange le plus, c’est cette volonté de montrer le sexe, d’aller chercher les gros plans. Je n’aime pas ça non plus quand les acteurs pleurent dans les films. Je ne veux pas que ma caméra soit voyeuse, qu’on aille s’immiscer entre les acteurs. Il y a une pudeur à trouver là. C’est important pour moi.

On ne va pas faire les choses pour la caméra. On ne sait même pas ce qu’il va se passer de toutes façons.

Il comprend. Ca l’excite beaucoup. Il soulève toutes sortes de questions.

On parle des champs/contre-champs. Je ne sais plus pourquoi. Je lui dis que c’est bizarre ce réflexe d’aller filmer la tête de l’autre pour voir sa réaction et sa réponse, que dans la grammaire du cinéma, ça a l’air d’aller de soi, mais… Là, la caméra ne sera pas au milieu des acteurs, prête à saisir la moindre de leurs réactions. Je ne veux pas d’une caméra intrusive. Et puis, décaler le contre-champ, le faire arriver un peu après ce qui est attendu… C’est un film sur le désir, il y a forcément des questions à poser sur ce qu’on s’attend à voir. On peut utiliser le découpage, le rythme, pour insérer des temps d’attente, de surprise, de désir précisément, on peut faire ça très simplement… J’ai envie d’utiliser le raccord dans le mouvement pour installer une certaine fluidité et des retards aussi…

Là je peine à expliquer… Je ne trouve pas les mots pour que ce soit clair. Je le sens, je vais essayer, il verra. C’est tout ce que je peux dire.

On rit.

On discute encore un peu.

Il insiste : « Il faut trouver la bonne distance de la caméra. ».

Je souris. Je redis encore quelques fois le mot pudeur. J’ajoute que la pudeur ne doit pas non plus nous empêcher d’y aller…

Humeur :

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